L'éphémère perfection d'une flamme fragile

"Ce n'est pas grave si ce n'est pas parfait maman" 
 
Voilà exactement ce que m'a dit Sohan hier soir, alors que nous débutions notre marche de la Saint Martin. Comme chaque année, la brise coquine a très régulièrement éteint les bougies des petites lanternes, entraînant de nombreuses pauses pour les rallumer. Ajoutons à cela un bébé grognon qui a mis un peu de temps à s'endormir et le tableau de notre marche de la Saint Martin est dressé. Nous n'avions qu'une heure, confinement oblige pour réaliser cette marche de deux kilomètres (aller et retour compris). Notre but était d'arriver au panorama, un très beau point de vue sur les hauteurs de Rouen. Et alors que le stress des larmes de bébé et des bougies clignotantes était sur le point de nous emporter, Sohan m'a regardé et dit : "Ce n'est pas grave si ce n'est pas parfait cette année maman, on fera mieux l'année prochaine". 
 
 
Par cette petite phrase, Sohan m'a recentrée. Au lieu de me concentrer sur ce qui n'allait pas, j'ai tout simplement lâché prise et apprécié le moment. Ce que Noah, que j'avais en portage, a tout de suite senti. Il s'est rapidement endormi, les bougies ont cessé de s'éteindre, nous avons pris le rythme de la marche au son de notre chant de la St Martin. Après cela nous sommes arrivés rapidement dans le petit bois proche de chez nous.

 

Marcher la nuit, sans aucun éclairage autre que les lanternes des enfants, a quelque chose de magique. Cela nous ramène en arrière à une époque que nous n'avons pas connue. Un temps où les humains fonctionnaient plus en phase avec la nature. Marcher en forêt avec pour seule compagne la flamme d'une bougie, c'est vivre la nuit plus intensément. Entendre tous les petits bruits et s'en faire une montagne, imaginer des fossés là où le chemin est simplement cabossé... La nuit nous ramène à nos peurs primales et nous aide à les dompter, à écouter plus nos ressentis. Les enfants ont petit à petit commencé à chuchoter puis arrêté de parler pour écouter les bruits environnants.

 


 

Et après cette marche nocturne silencieuse et presque oppressante, nous arrivons au panorama, un lieu qui offre une vue magnifique sur toute la ville de Rouen. D'un pas à l'autre nous sortions de la nuit pour arriver devant un océan de lumière. Du jaune, à l'orangé, en passant par le rouge et le blanc, toutes les couleurs de la clarté urbaine étaient représentées. Nous nous sommes amusés à chercher notre immeuble avant de repartir assez rapidement, notre sortie étant limitée à une heure précise, confinement oblige. Nourris tant par la majestueuse nature nocturne que par la beauté de ce paysage moderne, nous sommes revenus sur nos pas, traversant le petit bois à la lumière de la lanterne, avant de retrouver les rues et l'éclairage familier des réverbères. 

Rien de bien spécial pour cette St Martin, rien de parfait. Et pourtant une belle soirée et un moment en famille chaleureux. Être parent aujourd'hui, en ces temps de pandémie et de confinement, c'est difficile. Nous voyons la vie de nos enfants se dérouler dans cette bulle aseptisée qui semble les couper de toutes les joies que font l'enfance. En tant que parents nous nous devons de réenchanter un quotidien qui est passé de la couleur au noir et blanc. Et c'est un travail constant que de chercher comment préserver les petites et grandes célébrations, tout en respectant les consignes qui les gâchent mais permettent de sauver des vies. Être parent aujourd'hui c'est devoir réinventer le quotidien de nos enfants à chaque instant et puiser en nous une joie dont la source semble tarie. 

Et pourtant cette graine de joie est toujours bien vivante en nous. Elle est fragile, comme la lueur de nos petites bougies dans ces lanternes, mais on peut toujours la rallumer, encore et encore, quelles que soient les nouvelles du jour. Cette St Martin m'aura rappelée qu'il ne faut pas chasser l'éphémère perfection, mais plutôt chercher la joie dans les petits évènements du quotidien. Et lorsqu'on a trouvé la flamme, il faut plus que tout la chérir et la préserver coûte que coûte, par un goûter partagé, un petit bricolage, de jolies histoires, un bon film, ou n'importe laquelle de ces choses qui illuminent notre quotidien. La joie et l'excitation des grandes fêtes et des voyages nous est peut être provisoirement refusée, mais le bonheur tranquille qui naît d'un quotidien plein d'amour et d'une vie de famille riche en partage, est là pour nous combler. Alors plutôt que de penser à ce que je ne peux pas faire, je choisis de me centrer sur Fred, les enfants et les petites fêtes de la vie que nous pouvons toujours célébrer. 





Commentaires

  1. Bien chers tous,
    ça fait du bien de te lire, de ressentir la simplicité, l'apaisement là où tout le monde râle, ne voit plus l'Essentiel, le simple...
    Je ressens les choses comme toi et je suis très heureuse ; le calme est plein de petits bruits que l'on n'entendait plus.
    Je vous embrasse bien bien fort
    Laurence

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