La pédagogie Charlotte Mason


Je vous remets ici un article que j’avais écrit il y a quelques années sur la pédagogie Charlotte Mason. Pour en savoir plus je vous conseille le livre de Maeva Dauplay Kosse "Les livres vivants, une introduction à la pédagogie Charlotte Mason"


Aujourd’hui je souhaite commencer une série d’article sur la pédagogie Charlotte Mason et ce que nous mettons en place à la maison.

« Education is an atmosphere, a discipline, a life »

Le premier volet de cette série d’articles est donc une présentation un peu fouillée de cette pédagogie (éducation), je vous parlerai ensuite de nos espaces de travail (« atmosphère ») et de notre organisation (« discipline »). Au fur et à mesure de notre année, j’enrichirai cette nouvelle section de mon blog avec des articles sur l’utilisation de cette pédagogie au quotidien (« life »).

Cette pédagogie a été développée à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, par Charlotte Mason, une enseignante britannique. Ce courant de pensée s’articule autour de d’une idée centrale, qui est de présenter aux enfants un banquet de belles idées dans lequel ils pourront festoyer pour construire par eux-même leur propre vision du monde. En effet, Miss Mason préconise de présenter les différentes notions que l’on aborde au cours de la scolarité de l’enfant en utilisant des livres de grands auteurs passionnés par leur sujet (living books). Mais ce qui est important n’est pas le simple fait d’utiliser ces livres, mais d’accompagner l’enfant dans une démarche scientifique d’appropriation de ce savoir, par le biais de la narration et des différents carnets de notes qu’elle propose de faire tenir à l’enfant (carnet d’étude de la nature, carnet de citations appelé « commonplace book », livre des siècles, carnet d’écriture, calendrier des premières fois, etc…). L’enfant, à la manière des naturalistes des siècles passés et des intellectuels de tout temps, observe et prend des notes de ce qu’il voit mais aussi des grandes idées qui lui sont présentées.

Un banquet d’idées:

Charlotte Mason nous dit « we all have need to be trained to see, and to have our eyes opened before we can take in the joy that is meant for us in this beautiful life » (nous devons tous être entraînés pour voir et avoir nos yeux grands ouverts avant de pouvoir pleinement profiter de la joie qui nous est destiné dans cette belle vie). D’après elle, pour pouvoir voir réellement les beautés qui nous entourent, nous devons nous entraîner à regarder. L’enfant à qui nous n’aurions pas ouvert les yeux sur les belles choses et les grandes idées aura du mal à les trouver par lui-même. En effet, combien de fois oublions nous de nous arrêter sur les beautés de la nature, de nous poser des questions et d’aborder le monde comme des explorateurs? Un enfant qui a été nourri de beauté, de grandes idées et invité au questionnement, le fera naturellement tout au long de sa vie.

C’est dans ce cadre que Charlotte Mason préconise de proposer à l’enfant un banquet d’idées. Par l’image du banquet, elle nous invite, en tant que parents, à servir chaque jour à nos enfants de nouvelles idées sur la table mais à les laisser libre de se servir par eux-même. Elle insiste énormément sur le fait que nos enfants ne sont pas des sacs à idées que nous remplissons, mais plutôt des êtres qui se nourrissent de grandes idées et les digèrent à leur rythme. Le but n’est pas de forcer l’enfant, mais bien de l’accompagner sur la route si riche qu’est celle du savoir et de l’observation.

Ces idées sont retransmises à l’enfant par des « living books« , appelés aussi « whole books » (que je présenterai dans une liste de billets de blogs au fur et à mesure de l’année). Ces livres sont tout le contraire d’un manuel scolaire. Le savoir n’est pas présenté de manière brute et ordonné, il est tout simplement distillé dans de passionnants romans, de belles biographies, ou tout autre livre écrit par un auteur passionné par son sujet. Dans le choix des livres présentés à l’enfant il est primordial de sélectionner des livres au contenu riche, au vocabulaire précis et varié, et aux belles tournures de phrases. Exit donc une bonne partie de la littérature jeunesse actuelle au vocabulaire pauvre et aux courtes phrases simplistes. On évite bien sûr la version simplifiée du livre « le bon petit diable » enregistré par Marlène Jobert, pour lui préférer la version originale de la Comtesse de Ségur. Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’il ne faut lire que des ouvrages anciens.

L’auteur C.S. Lewis (qui a écrit, entre autres choses, « Le Monde de Narnia ») préconise de lire à l’enfant un ratio d’un livre ancien pour un livre récent. Ceci permet de présenter à l’enfant des idées différentes, des vocabulaires très variés, mais aussi petit à petit de leur permettre de faire le lien entre le passé et le présent. Le but final étant pour l’enfant de réussir à inscrire sa propre existence dans l’histoire de l’humanité, et développer le sentiment de ce que Charlotte Mason appelle « Placefulness« , c’est à dire le fait de savoir que tout vient de quelque chose, de connaître l’origine des choses et de toucher ainsi à l’origine de soi. En lisant Platon, Molière et Daniel Arsand, l’enfant se rend compte bien sûr de ce qui différencie passé et présent, mais surtout des similarités. Puisque finalement, les grandes questions que se pose l’humanité restent toujours les mêmes au fil du temps, bien qu’elles ne se formulent pas de la même façon et dans le même contexte.

Pour donner un exemple concret, dans nos livres de littérature pour la première année, je commencerai en parallèle par « le roman d’Ernest et Célestine » de Daniel Pennac et les contes de Beatrix Potter. Un auteur récent et un auteur ancien lus en parallèle tout au long de notre première période.

Ces living books sont utilisés dans toutes matières. Il y a évidemment la littérature, mais aussi la géographie, l’histoire, les sciences, l’art, les langues étrangères et les mathématiques. Bien sûr, pour ce qui est de l’apprentissage de la lecture et des mathématiques elle concède que le passage par le manuel est parfois obligatoire, mais dès que possible il vaut mieux s’en éloigner pour laisser la place aux livres vivants. De notre côté nous avons choisi par exemple la méthode Singapour pour l’arithmétique, mais je recherche activement des contes mathématiques pour accompagner leurs apprentissages. Pour rester dans les exemples concrets, en anglais, nous utiliserons la méthode Gouin, couplée à de nombreuses lectures et comptines tout au long de l’année.

A côté de ces connaissances livresques, Charlotte Mason nous invite à passer le plus clair de notre temps à l’extérieur, dans la nature. L’enfant y est laissé libre d’explorer, de jouer, d’observer et de bouger. Pour elle, un enfant devrait passer 4 à 6 heures par jour dehors, quelle que soit la saison. Entouré par toutes beautés que la nature recèle, l’enfant peut se nourrir de ses cycles perpétuels, observer les évolutions et les changements et former ses propres idées scientifiques et philosophiques. Les parents sont invités non seulement à sortir avec leurs enfants, mais à leur proposer des repas pris en extérieur dès que possible. L’enfant doit avoir une vie extérieure à part entière, pouvoir créer et nourrir une connexion avec la planète sur laquelle il vit. Cette connexion ne peut exister à travers les livres ou les documentaires, elle doit être ancrée dans le réel et dans l’expérience vécue.

En plus de ces livres vivants et de la vie au grand air, Charlotte Mason explique que les grandes idées n’existent pas seulement dans le savoir académique mais aussi dans les arts. Elle préconise donc l’étude approfondie d’un peintre et d’un compositeur de musique chaque trimestre. Cette étude ne se veut pas savante dans le sens où l’enfant n’est pas poussé à l’analyse, mais plutôt à l’observation et au ressenti. Ainsi, quand un peintre est étudié, sa biographie n’est présenté que brièvement et les œuvres sont observés avec soin sans toutefois noyer l’enfant dans un flot de question, de vocabulaire, etc…

On va plutôt le laisser observer et digérer l’oeuvre, pour qu’il puisse, au fil des années, réfléchir au sens que l’artiste a voulu lui donner et enrichir donc sa propre vision du monde. Pour ce qui est du compositeur de musique, l’enfant écoute pendant un trimestre les œuvres de ce musicien sans toutefois devoir analyser les morceaux. Simplement écouter, apprécier et en tirer ses propres conclusions lorsqu’il en a. A côté de cela, les enfants sont conviés à lire de nombreux poèmes, fables et autres chefs d’oeuvre langagiers. Concrètement nous allons commencer par étudier le Douanier Rousseau (et ses fameuses jungles) et Camille Saint Saëns (le carnaval des animaux, la danse macabre, etc…). Pour ce qui est de la poésie, nous avons chaque semaine un « poetry tea time« , c’est à dire un rendez-vous autour d’un thé, de petits gâteaux et de grands poètes. Je ferai bien sûr un article de blog à ce sujet au courant de l’année.

Enfin, parce qu’une éducation complète est celle de la tête, du coeur et de la main, Charlotte Mason préconise de chaque jour consacrer un temps aux activités manuelles. Ici on ne parle pas de collier de nouilles ou d’ours polaire en boules de ouate, mais d’activités manuelles qui nourrissent l’enfant car elles sont utiles. Je parle par exemple de tissage, de tricot, de filage, mais aussi de cuisine, de travail du bois, de couture, de broderie, de jardinage ou tout autre activité qui invite l’enfant à créer des objets qui lui serviront. Ainsi, l’enfant s’inscrit lui aussi dans une nouvelle manière de consommer puisque, plutôt que d’acheter un jouet, il s’en fabriquera un lui-même. Il n’est plus consommateur mais acteur, il créé lui même les objets de son quotidien.

En transformant un morceau de bois en petite voiture, l’enfant apprend qu’il peut agir sur la matière, la modeler et créer ce qu’il souhaite. De plus, on retrouve ici aussi l’idée de « Placefulness » (l’enfant sait d’où viennent les choses) mais aussi celle de « Timefulness« . Cette notion décrit le fait que l’on laisse l’enfant prendre le temps dont il a besoin pour faire les choses, le rythme n’est pas artificiel mais est celui de l’individu et de la Terre sur laquelle il évolue. En effet, tricoter une écharpe et en acheter une ne prend pas le même temps. Mais le faire, c’est inscrire l’enfant dans un rythme où l’on prend le temps de faire les choses. Ce temps, ce rythme, est ce que Mason appelle « Cadence of Glory » que je traduirai par « rythme de la création* ».

* il est à noter que la pédagogie Charlotte Mason s’inscrit dans un courant de pensée chrétien et elle est donc empreinte de cette philosophie. Je pense toutefois que quelles que soient nos croyances il est possible d’adapter les grandes lignes philosophiques de cette pédagogie à nos propres croyances ou à notre absence de croyances. Le rythme de la création peut facilement devenir le rythme de la nature, le rythme de la terre, etc..J’ai simplement voulu proposer ici une traduction qui se rapproche le plus possible du sens original.

Le festin:

Les parents ou les éducateurs ayant dressé ce banquet doivent alors laisser l’enfant y festoyer. Pour ce faire, Charlotte Mason développe le concept de « masterly inactivity« , c’est à dire l’inactivité magistrale. Ce terme désigne le fait que le parent doit laisser l’enfant libre de s’approprier les connaissances qui lui sont présentées à sa manière. Pour ce qui est du temps en extérieur, très logiquement Charlotte Mason préconise de laisser l’enfant libre de mener ses propres jeux. En aucun cas le parent ou l’éducateur ne doit proposer des activités, qui se mettraient entre l’enfant et la nature qui l’entoure et l’empêcheraient de créer et nourrir cette connexion dont j’ai parlé plus haut.

Mais cette inactivité magistrale est avant tout une manière d’être du parent. Car en effet, pour inviter l’enfant à se nourrir de ces idées qui lui sont offertes, le parent va utiliser des outils qui sont la narration et les carnets (dont je décrirai l’utilisation plus bas). Mais il est important que l’action du parent s’arrête là, dans le sens où, quand l’enfant va narrer un chapitre ou inscrire ses observations dans ses carnets, le parent ou éducateur, doit laisser l’enfant parler ou écrire à propos de ce qui l’a intéressé LUI. Pour prendre un exemple concret, dans son carnet de nature, l’enfant va noter ses observations et ses questions au sujet de ce qui l’intéresse.  En aucun cas, le parent ou éducateur, ne doit proposer un sujet, un thème voire pire, se lancer dans un cours de botanique non sollicité. Le carnet reflète le cheminement intellectuel de l’enfant, pas celui que les parents aimeraient lui faire prendre. L’éducateur est donc invité à entrer dans une posture d’accompagnement, et de proposition SEULEMENT à travers les livres qu’il choisit d’apporter à l’enfant.

Une fois que la posture du parent est clairement définie, il va utiliser les outils que sont la narration et les carnets d’observations pour inviter l’enfant à festoyer de ce banquet d’idée. En effet, on lui propose des outils afin qu’il puisse digérer les connaissances qui lui sont apportées. Si les idées lui sont présentées sans lui permettre de se les approprier et de les reformuler, l’enfant ne les intègrera pas et ne s’en nourrira pas, un peu à la manière d’un enfant posé devant une télévision qui a toujours bien du mal à expliquer par la suite ce qu’il a regardé. On ne lui a pas permis de s’approprier les idées qui lui sont présentées et celles-ci sont vite vues et vites oubliées.

Le premier outil que Charlotte Mason propose est la narration. Cela consiste pour l’enfant de plus de 6 ans, à raconter ce qui lui a été lu ou ce qu’il a vu. Il commence par le faire à l’oral puis petit à petit des narrations écrites peuvent lui être proposées, mais jamais avant l’âge de 9 ou 10 ans. Avant cette étape, le parent peut commencer à retranscrire des narrations sous la dictée de l’enfant. C’est une bonne étape intermédiaire puisqu’elle permet à l’enfant d’entrer dans le rythme de l’écrit qui n’est pas tout à fait le même que celui de l’oral.

La narration permet à l’enfant d’ordonner ses idées et de suivre son propre train de pensée. Il va bien sûr choisir des épisodes marquants parmi ce qui lui a été lu, c’est pour cela que pour une lecture donnée, la narration ne sera jamais la même d’un enfant à l’autre. Celles-ci ne doivent pas être corrigées puisqu’elles correspondent à chaque fois à ce que l’enfant à pu tirer du texte qui lui a été présenté, une narration ne peut donc pas être fausse. Dans ce cadre, l’attitude d’inactivité magistrale est très importante, puisque l’éducateur doit se réfréner pour ne pas pointer telle ou telle idée que l’enfant n’aurait pas soulevé. Il n’est tout simplement par arrivé au stade où cette idée lui parle, où il peut la digérer. De toute façon, dans le banquet servi par les parents, cette idée reviendra forcément et pourra, lorsque l’enfant sera prêt, être intégrée.

Le jeune enfant de plus de 6 ans (on ne commence jamais les narrations avant cet âge, personnellement je narre les chapitres précédents pour commencer à leur donner l’habitude de l’utilisation de cet outil) commence par des narrations sur un chapitre (ou moins) de livres d’histoires. En grandissant, l’enfant pourra aussi narrer dans les autres matières, que ce soit l’histoire, la géographie, mais aussi les mathématiques et les langues étrangères. Il a été observé, dans les écoles Charlotte Mason, qu’un enfant qui a narré quelque chose a retenu l’idée une bonne fois pour toute. En effet il se l’est approprié à sa manière et de ce fait elle ne le quittera plus. Dans ces écoles il y avait bien des examens trimestriels, mais jamais aucun enfant ne révisait avant et il n’y avait pas d’échecs à ces interrogations.

A côté de la narration, l’enfant va reporter ses observations et ses questionnements dans différents carnets. Dans son livre, « The Living Page« , Laurie Bestvater nous explique: » Mason demonstrates that children are born storytellers and poets and that it is an acting of living ideas in their own minds that children grow. The blank page countenances this relationship to the material and respect personhood, mind and creativity« . Par cette phrase, elle nous dit que Charlotte Mason a démontré, dans sa pédagogie, que les enfants sont nés conteurs et poètes et qu’ils grandissent en jouant avec des idées vivantes dans leur esprit. La page blanche permet de mettre en relation le matériel (c’est à dire l’idée mais surtout sa concrétisation, sa matérialisation) dans le respect de la personnalité, de l’esprit et de la créativité de l’enfant. Ici elle nous parle de pages blanches, en opposition avec des cahiers d’exercices pré-remplis. Sur cette page laissée vierge, l’enfant aura totale liberté de s’exprimer. Vous l’aurez donc compris, les carnets dans la pédagogie Charlotte Mason sont des cahiers et feuilles vierges. Ces carnets accompagnent l’enfant de différentes manières et pour l’exposer concrètement, je vous propose ici une liste non exhaustive de ces carnets et de leur utilisation:

  • le carnet d’étude de la nature est sûrement le plus connu de tous. Il n’est pas un journal de nature dans le sens où son but n’est pas forcément d’accueillir de magnifiques aquarelles annotées, mais il peut contenir en majorité du texte. L’enfant est invité à le compléter chaque jour en fonction de ce qu’il a observé et ce qui l’a intéressé (et pas de ce que l’éducateur lui a montré). Il écrit dedans ses questions, y cherche des réponses, dessine ou peint des plantes, des animaux, des cartes d’étoiles, des traces de pattes, des crottes d’animaux, ou tout autre chose qu’il a pu observer. Le but n’est pas d’avoir un BEAU journal, mais plutôt un carnet d’observation qui amène l’enfant dans une démarche scientifique. Charlotte Mason nous explique que nous sommes tous nés naturalistes et que la toute première des leçons de sciences pour un enfant reste l’observation et la déduction par l’expérience. Des cours de sciences plus formel peuvent compléter ceci mais interviennent très tard dans la scolarité de l’enfant (milieu du collège). Avant cela, l’enfant se construit une démarche scientifique à laquelle il pourra se référer toute sa vie.

  • The book of firsts, est un calendrier perpétuel dans lequel on inscrira des premières fois (arrivée d’oiseaux migrateurs, fleurissement des muriers, pluie d’étoiles filantes, réveil de certains animaux, brâme du cerf, etc…) mais aussi des faits météorologiques marquants. Il est complété chaque année et permet d’avoir une vue d’ensemble sur les cycles des saisons mais aussi les différences d’une année à l’autre.

  • Les collections sont des carnets ou d’autres supports où sont collectés végétaux, plumes, pierres ou tout autre chose de l’intérêt de l’enfant.

  • Le carnet d’écriture, le carnet de poésie, le carnet de vocabulaire et le « Commonplace book » sont eux, des carnets destinés à intégrer les mots des autres. Le plus connu est le commonplace book, dans lequel le grand enfant va pouvoir noter des citations ou des observations liées à ses lectures. Le carnet d’écriture intervient avant, lorsque l’enfant est jeune. Il y est invité à recopier des vers qui lui ont plu, des rimes, des comptines. Le carnet de vocabulaire est lui plutôt une manière de célébrer l’entrée de l’enfant dans le monde de l’écrit en lui tenant une liste de nouveaux et beaux mots qu’il a glanés ici et là. En grandissant, le carnet d’écriture peut être remplacé par un carnet de poésie et être ensuite accompagné d’un commonplace book. Ce dernier est un véritable carnet de bord de l’esprit de l’enfant, des idées qui le font vivre.

  • Le livre des siècles, qui est précédé par le child’s own history, puis la carte des siècles et la ligne temporelle, est le moyen que va avoir l’enfant de placer son histoire au sein de celle de l’humanité. Le livre des siècles est un cahier constitué d’une double page par siècle. Celle de gauche est blanche pour y accueillir des dessins, celle de droite est constituée de 100 lignes (une par année). L’enfant est libre d’y inscrire les faits qui l’ont marqué. Ce n’est pas le parent qui les choisit mais bel et bien l’enfant. Par exemple, il pourra noter l’exécution du roi et dessiner une guillotine, sans toutefois mentionner la révolution. L’enfant expose ses propres idées et l’éducateur doit à tout prix rester dans sa posture d’inactivité magistrale. C’est le carnet de l’enfant, il y construit sa propre vision du monde et pas celle que l’on souhaite qu’il ait. Bien que souvent les parents soient très pressés de faire tenir à l’enfant un livre des siècles, cela ne commence qu’à partir de 9 ou 10 ans. Avant cela, l’enfant est invité à inscrire sa propre histoire dans celle de l’humanité progressivement. D’abord avec le « Child’s own history » (par exemple, pour un enfant né en 2011 on fera apparaître sa date de naissance, puis celle de son frère, et quelques faits marquants par année). Son histoire pourra ensuite prendre place dans un cadre plus large, avec les dates de naissance de ses parents, grands-parents, pour petit à petit construire une carte du siècle en cours (et dans notre cas à la fois du 20e et 21e siècle). Ensuite, on pourra proposer une ligne temporelle, et lorsque le concept d’évolution temporelle, de passé, présent et futur est bien intégré, on présente à l’enfant le livre des siècles.

Parmi tous ces carnets, le carnet d’étude de la nature, le commonplace book et le livre des siècles sont les 3 piliers que les parents et éducateurs sont aussi invités à tenir. « We live with children, rather than do education to them« , c’est à dire que nous vivons avec les enfants cette pédagogie vivante. On ne se contente pas de les éduquer, on s’éduque avec eux. Nous développons nous même de nouvelles connaissances et renforçons ou créons notre propre démarche scientifique.

Nous sommes tous des naturalistes et des explorateurs. Laurie Bestvater nous dit que d’une part, écrire à la main nous permet de ralentir et de laisser les idées nous pénétrer, mais aussi que copier des phrases, des citations, noter nos idées sur tous les sujets qui nous sont présentés ou que nous présentons à nos enfants, créé en nous et en nos enfants, une posture quotidienne de réception et de réponse. C’est ce ballet mental qui est la forme principale d’auto-éducation à laquelle Charlotte Mason se réfère. En effet, selon elle il n’y pas d’éducation, seulement de l’auto-éducation.

Et c’est sur ce chemin là que nous accompagnons nos enfants. ils s’éduquent eux-même en festoyant des grandes idées qui leur sont apportées chaque jour. Leur esprit s’habitue à rester dans une posture alerte et ils arrivent, de ce fait, à noter les moindres changements autour d’eux, à poser et se poser des questions et à observer le monde qui les entoure en formulant systématiquement des réponses à leurs constats. Encore une fois, les enfants sont acteurs de leur éducation et non simples consommateurs.

Finalement, le but de Charlotte Mason dans sa pédagogie est de garder vivants l’imagination et l’attention de l’enfant, et de l’inviter à observer le temps, l’espace et les relations entre les êtres vivants d’une manière toute scientifique. Enfin, l’enfant qui est initié aux beautés qui l’entourent ne pourra plus ne pas les remarquer. L’adulte, par son inactivité magistrale, invite l’enfant à un banquet d’idées dont il pourra festoyer à sa guise. Ce faisant, l’enfant est incité à discuter des grandes questions de l’humanité et de les intégrer pour lui-même. La finalité de cette méthode d’éducation (le TELEOS comme l’appelle Mason) étant de devenir des « etudiants de Dieu* »

*de la nature, de l’univers, de la science ou ce que vous préférez y mettre, encore une fois je choisis une traduction fidèle à celle de Mason sans exprimer ici d’avis sur les mots que moi-même j’y appose

Pour finir ce long billet de blog, je vous propose quelques ressources pour approfondir cette riche pédagogie. Malheureusement, je n’ai que des références en anglais à vous proposer. La seule référence en français sont les livres de Laura Laffon qui propose une excellente et complète approche de cette pédagogie.

De mon côté j’ai beaucoup aimé le livre de Karen Andreola qui explicite de manière très approfondie la pédagogie et son utilisation concrète. A côté de cela, je conseille vivement « The Living Page » de Laurie Bestvater qui explicite les carnets d’observations et leur philosophie. Sinon, j’ai beaucoup aimé le livre « Teaching from Rest » de Sarah Mc Kenzie qui anime un excellent podcast, Read Aloud Revival dont je ne loupe aucun épisode. Enfin, le blog Sabbath Mood Homeschool est une véritable mine d’informations ainsi que le podcast « A delectable education » qui est LE podcast de référence en pédagogie Charlotte Mason. Le podcast « The Mason jar » est aussi très intéressant.

Je soulignerai encore une fois ici que toutes ces références sont imprégnées de religion chrétienne, mais il est facile finalement de placer d’autres mots en fonction de ses propres croyances ou non-croyances voire d’ignorer totalement les passages bibliques ou autres. Il serait bien dommage de se passer de ces mines d’informations pour la raison de leur empreinte religieuse qui n’empêche en aucun cas une application entièrement laïque de la pédagogie (ce que nous faisons personnellement dans notre famille).



Commentaires

  1. Durant le confinement j'ai découvert par hasard votre blog et plus précisément votre billet sur l'éducation classique. J'ai laissé l'onglet ouvert pour le lire plus tard au calme. Résultat ce matin je viens de lire tous vos billets qui sont complets, profonds et qui m'aide à mieux cerner l'application concrète de la pédagogie CM. Merci !

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